Buvards
Douceur des angles
À l’école du visible

Chair sous le sable 
Sous l’atmosphère humide
Sous le granit
Buvards 
Sous l’intime
Sous l’empreinte fugitive

L’annonce du voyage
Que feront jusqu’à nous les oiseaux migrateurs

Peau tendue et retournée
D’une mémoire mise à nu
Sous l’air 
Sous le vent

Étirement du paysage 
À travers le souffle d’un corps lointain
Et silencieux
D’un corps acharné contre la pesanteur
Nageur dans la secrète violence du jour 
Nageur dans l’énigme de la lumière
Aux falaises froissées par le jeu des paupières

Douceurs des angles
Parmi les herbes fossiles
Parmi les fougères 
Parmi les roseaux courbes dans le rideau du monde
À demi levé 
Et délicatement déchiré quand pointe le rêve

Elle cherche à tâtons 
Dans le soir
Le feu qui rendra la nuit plus haute et plus claire

Détrempe d’un glacier
Avec ses veines argentées
Crevasses impudiques
Séracs entassés

Signes graduels du temps
Ardoises brisées et lancées contre la pente
Quand la surface glisse
Tremble 

Couches des saisons qui s’empilent sous nos pas

Profondeur immobile des roches
Sous le pays du retard

Des avalanches suspendues au filet
D’une carte géographique

Ténèbres distillées par le geste

Migration d’une forêt
Dont l’âme du bois transporte des étincelles
À notre bouche
À nos poumons 
Et ses échardes pointues
Et ses écorces
Sous nos doigts avides du relief des heures 

Algues érectiles 
Vert sépia 
Nageoires bleues vermillon
Insectes mauves
Buissons gris noirs
Dans le lit sec d’une rivière
Où des nomades trouvent le sommeil
Et déposent sous le gravier 
Avant leur départ 
Ce qui de la nuit ne peut être confié au ciel

Elle trouve dans la cendre
Par la main 
Par le pinceau
Par les ongles et l’œil aigu
Des veines fertiles
Des ruisseaux 
Les sources d’une plaine où dansent les ombres

Elle trace
Au devant de chaque matin
Des silhouettes enflammées
Qui volent à la mort son étendue
Son soleil
Sa fourrure et son or