Textes
- Dominique GRANDMONT
J'ai toujours été surpris par le sérieux des peintres. Aucune dérision dans cet atelier où j'entre en coup de vent comme dans une volière dont tous les oiseaux se seraient envolés sans corps ni bruit. Peindre était cette projection de la matière hors de sa pesanteur comme une sculpture idéale, suspendue à même même ce vide où l'image est de la mémoire à l'état pur.
- Dominique GRANDMONT
Monique Dollé Lacour, c’est de l’émergence à l’état pur. Ce sont de grands carrés de liberté.
- Tita REUT
Sans revendication initiatique, comme c’est parfois le cas des artistes tentés par l’Orient et par les signes, Monique Dollé-Lacour donne à voir dans ses toiles rouges une quête de la lumière, dévoilée dans son séjour en Arabie Saoudite, avec une fusion des formes et des lignes calligraphiques.
- Monique Dollé Lacour
Sans être systématiques, les collages sont souvent présents dans mes travaux. Ils interviennent comme un point de force. Une recherche de documentation pour ces collages est essentielle. Je choisis toujours des dessins de plantes, des écritures inventées, des signes. Cela constitue ma palette de couleurs. Je travaille énormément dans l'"indirect", c'est à dire par empreinte. Je commence sur un papier que j'applique par la suite sur la toile (monotype sur toile). Ce sont des empreintes de peintures anciennes qui donnent à mon œuvre une certaine continuité dans le temps et qui permettent un jeu d'aller-retour, de va et vient, d'une toile à une autre. La technique représente peu de choses à mes yeux. Elle est faite pour être transgressée. Mes rencontres avec les matériaux que j'utilise sont physiques et sensuelles mais non réfléchies. Le bitume, l'argent et les couteaux à enduire se sont retrouvés par hasard sur ma table de travail…
- Michel FAUCHER
Le regard est fragile et terriblement présent. Il témoigne avec évidence de la recherche de l'artiste. Tout ici est dans le subtil, la nuance, la transparence... tels ses yeux. Ma première rencontre avec Dollé-Lacour, c'est d'abord avec son regard. Ce regard se retrouve dans son œuvre, y compris par les couleurs.
- Dominique GRANDMONT
Bien sûr que le tableau, c'est le contraire d'un rêve. Nous marchons dans la rue, c'est l'hiver. Respirer s'envole en fumée. Peindre est donc respirer autrement. Ou bien c'est l'été : les paysages tremblent sous la chaleur. Traces de doigts : un visage se défait sur la buée des miroirs. Le regard est cette aventure, puisque la vie nous enrichit de ses incertitudes.
- Michel FAUCHER
Sait-on jamais le destin des signes ? L'art contemporain intègre depuis toujours ces signes étranges, parfois identifiables, parfois sibyllins qui renvoient aux interrogations profondes de l'homme, à ses plus quotidiennes préoccupations. Ils sont l'accompagnement naturel de son combat avec lui-même, combat pour vivre. Traces d'aventures individuelles ou collectives, ils marquent, balisent la longue marche des hésitations, des doutes, des croyances de l'humanité. Ces signes traversent le temps, ignorent les frontières. lls vont comme de soi sur les œuvres d'aujourd'hui, où ils prolifèrent. De la caverne à la toile, du désert aux cimaises, ils vont. Ils sont. Chez Monique Dollé-Lacour ils venaient d'Afrique. Magie de la transmutation, du passage, de la capacité à inventer. Ils ont permis l'émergence d'un langage, d'un vocabulaire, d'une écriture spécifique. Ils ne ressemblent à rien mais restent signes. Par eux, à travers eux Dollé-Lacour suggère un univers de vie, de grouillement, de sauvagerie et curieusement d'apaisement.
- Martine ARNAULT
Plus "jeté" que tracé, le graphisme se donne comme spontané. Plus possible de le contenir, de le garder en soi, Mais il n'a pas été prémédité pour autant : la question de nécessité avant celle de définition formelle. C'est cela, semble-t-il, une nécessité qui pourrait bien être dite, écrite ou bien rêvée, mais qui finalement se peint parce qu'il faut, en bout de course, que la couleur ruisselle, que la pointe incise, que s'arrime la déchirure. A travers la scansion des plans et des signes, Dollé Lacour provoque l'inconfort, la mise en péril du tableau. Elle recherche l'aléa qui ne se retrouve qu'à certains instants rares, privilégiés ; débusque le geste régressif qui anéantit les contraintes, les redites, les espaces cloisonnés. Ses couleurs se signalent aux tressaillements des éléments, ses bleus rejoignant les eaux tumultueuses du fleuve, ses ocres charriant une terre lourde détrempée par les crues. Matières, elles sont gravées parfois jusqu'à la ligature.
- Alain LEDUC
Au début, mais personne n'est là pour le rapporter, il y eut le big bang, dont les sismographes les plus sensibles décèlent encore l'écho. La matière inanimée, sans attendre qu'un poète le lui suggérât, se dota d'une âme. Les choses se mirent en expansion... Les hommes savent désormais que l'univers, comme l'Histoire, n'ont pas de fin. Le monde, il faut s'en convaincre, est perpétuellement ouvert. C'est pointer l'importance de l'énergie, du mouvement. Un écrivain ne prétendra pas le contraire, qui entretient comme ses pairs, et Proust n'est pas le moindre exemple, d'étranges rapports à l'asthme, au souffle. Manière de mettre le corps en jeu, sans doute…
- Claude CHOUTEAU
La peinture de Monique Dollé Lacour est comme un « roman bâti », une jubilation douloureuse d'un temps inassouvi, la conquête d'un espace inventé dont les limites restent à jamais indéfinies, comme repoussées toujours afin que la quête se poursuive à jamais, libre et incertaine.
- Denis FERNANDEZ-RECATALA
S'il existe une traduction visuelle de l'émergence, c'est bien le travail de Monique Dollé Lacour qui la caractérise. Il y a eu d'abord le donné, quelques fonds superposés dont on devine ça et là les propagations et les béances. De ces strates jaillit soudain l'acquis sous la forme d'une cristallisation graphique : la peinture de Dollé Lacour garde la trace de sa conception et celle-ci est loin d'être achevée, comme en témoignent les biffures, aux formes simples, hésitantes. Chaque toile pourrait être la dernière image d'un film d'animation momentanément interrompu, où transparaîtrait sous la rature, le témoignage des couches géologiques du work in progress. A leur manière, ces huiles participeraient d'un art du palimpseste infini.