La peinture de Monique Dollé Lacour est comme un « roman bâti », une jubilation douloureuse d'un temps inassouvi, la conquête d'un espace inventé dont les limites restent à jamais indéfinies, comme repoussées toujours afin que la quête se poursuive à jamais, libre et incertaine.
Nous sommes dans un temps travaillé, rendu presque palpable, jusqu'à la cassure, peut être pour mieux le fracturer. Un fluide insatiable, comme un « sens intérieur » qui nous écorcherait, à l’effleurement, nous userait du dedans de nous-mêmes.
Un « roman bâti » sur une terre fragile qui s'effrite entre nos doigts inexperts et qui voudrait figer dans un moment d'éternité, une incertitude infinie pour se perdre.
La dureté du métal ne vaudra réconfort, ce métal qui s'affiche solide et se révèle tout aussitôt glacial, tranchant de sa solidité même, au risque de tuer net, sans plus d'espoir, ce qu'il était sensé sauver.
Nulle bouée ne peut secourir ce naufragé solitaire de l'étendue limpide, trop de courants contraires l'assaillent. Si une île se présente à lui, elle est un gouffre profond où des signes familiers l'égareront mieux que toute énigme trop tôt déchiffrée.
Quelle douleur recouvre ce sable, trace tangible d'une pierre sacrée, usée de tant de déchiffrements où l'on puise encore et toujours la trace de notre filiation interrompue, et qui plus sûre que toute biographie inventée, romanesque, nous rattache au plus obscur de l'espèce.
Construire, construire à tout prix un monde ; il file, s'effiloche, se dissoud, disparaît sous la masse des signes anciens, abandonnés. Il faut inventer un visage universel où chaque jour la reconnaissance s'opérera peut-être.
Masque-feuille de l'éternité des signes avoués, univers resserré pour un embrassement sans mesure.
Au risque assumé qu'un matin nul regard ne vienne plus identifier cette vie.
Il faut poursuivre ce combat au dessus de toute force à chaque instant victorieux et dans le passé, défaite accomplie par ce regard, comme halluciné, rechercher et risquer de trouver enfin ce qui fonde aujourd'hui la nécessité de poursuivre.
La mandorle présente tresse un lien infini et variable avec ce temps révolu de repentance. Le « repentir-roman » voilà ce que dit le travail de Monique Dollé-Lacour qui revient, borde son espace, y capte le temps qui nous tue. Par chacun de ses gestes nous survivons, mieux, nous ressuscitons. Elle rend à la vie sa couleur origine et redonne au regard des bornes qui manquaient pour affronter le temps.
Terre présente des profondeurs, matière origine, c'est la vie même qui nous transperce et trace en nous autant de balises reconnaissables par quoi nous retrouvons le fil de la trame-histoire que Monique nous tisse.
Nous sommes spectateurs de la redécouverte des signes jetés et qui furent aussitôt ensevelis, matière inexplorée où gît le souvenir de ces traces fécondes qui restent à renaître, attendant une hypothétique rencontre, où tout enfin se jouerait définitivement. Résurgence insatiable d'un temps ancien refécondé de son histoire, douleur extrême de l'instant redessiné mais où rien ne s'efface absolument de ce qu'il fut. Que dans cette reconstruction idéale s'assouvisse le désir d'être au plus haut point conforme à une perfection exigeante inscrite dans un ordre instable, perpétuel recommencement, un labyrinthe jamais élucidé.